Médecin généraliste et acupuncteur, le Docteur Denis FRITZ, aujourd’hui en retraite, a exercé sa profession sur la commune de Sélestat près de Strasbourg. Il nous parle aujourd’hui de son expérience avec la Médecine Traditionnelle Chinoise.

Comment en êtes-vous venu à utiliser la Médecine Traditionnelle Chinoise ?

J’ai suivi une formation à la faculté, puis un cursus universitaire, avant d’être interne et de faire le choix de ma spécialité : la médecine générale, avant de m’installer.

Et puis après 5, 6, 7 ans, je me suis rendu compte qu’il y avait toute une série de patients, que j’étais amené à voir et à revoir, pour lesquels on ne faisait rien d’autre de que renouveler des ordonnances préétablies : anti-inflammatoire, etc. Et pourquoi ? Comme pour les enfants : toujours confronté aux rhinites, pharyngites, bronchites, bronchiolites, otites ; on tourne aux antibiotiques. Pourquoi ? Je me suis alors demandé si ma formation était suffisante.

Mon passage à la médecine homéopathique, puis à la médecine chinoise fait suite à ce constat.

Dans certaines situations chroniques, nous n’avions aucune réponse alors que ces disciplines, pourtant prises en dérision, ont pu apporter ces réponses. Alors j’ai cherché : la phytothérapie, l’homéopathie et l’acupuncture

J’ai commencé à pratiquer la médecine chinoise après ma formation d’acupuncture qui m’a permis de rencontrer le professeur « QIN » de Shanghai. Il était à Strasbourg comme intervenant et je l’ai retrouvé plusieurs fois en Chine. C’est là que j’ai réellement pris conscience de l’importance de la pharmacopée chinoise totalement méconnue par la faculté.

J’ai également pris conscience des résultats qu’on pouvait avoir tant avec l’acupuncture qu’avec la pharmacopée. Sans pour autant avoir rejeté l’allopathie, elle a toujours fait partie de l’arsenal. Toutes ces pratiques sont complémentaires.

Comment parvenez-vous à concilier la MTC avec la médecine occidentale ?

Il faut juste avoir un regard un peu différent. On a un schéma d’analyse pathologique et de situation dans le domaine allopathique : recherche de plainte, l’aspect symptomatique, constat physique, analyses complémentaires ; pour arriver à cadrer le problème pathologique des gens. Quand on part sur la MTC, c’est un autre concept : on est amené à intégrer la manifestation pathologique sur un terrain spécifique en recherchant les facteurs agresseurs ou énergies perverses, pour arriver finalement à une attitude thérapeutique.

Essayons d’utiliser tout ce à quoi nous avons accès et la médecine traditionnelle chinoise en fait partie parce qu’elle a l’avantage d’intégrer l’homme dans son ensemble, dans son univers et de prendre en considération l’ensemble des éléments. Toutes les petites pathologies qui apparaissent sont une information. Lorsque l’on observe une pathologie récurrente chez un patient, c’est qu’il y a une faiblesse interne. A l’inverse lorsqu’il s’agit d’une pathologie à laquelle nous ne nous attendions pas du tout chez cette personne, on sait qu’il y a eu une agression externe, que l’on appelle « un pervers » qui a dû s’immiscer. Cela n’empêche pas de le traiter mais il faut le comprendre et le traiter en amont.

La médecine est une science qui utilise les moyens scientifiques connus et tous les autres moyens disponibles pour guérir et soulager les maladies, infirmités, ou autre.

Pourquoi, selon vous, n’y a-t-il pas plus de médecins qui utilisent la MTC ?

Ces thérapies alternatives, permettent de résoudre plus de 40% des problèmes pour lesquels la médecine allopathique délivre des ordonnances.

La vérité scientifique n’est toujours que la vérité du moment. Si à la fin de ma carrière j’avais appliqué ce que j’ai appris durant mes études, je serais complétement à l’écart des réalités des pratiques actuelles avec, en même temps, pas loin de 70 % des remèdes que nous avions à l’époque et qui n’existent plus. Ils étaient pourtant incontournables à l’époque et, aujourd’hui, ils ont complétement disparu sans parler des effets secondaires qu’on a retrouvé a posteriori.

La vérité scientifique n’est toujours que la vérité du moment.

Comment pourrait-on inciter davantage de médecins à recourir à la MTC ?

Ces thérapies dites « alternatives » pourraient être dans le cursus de formation pour en faciliter l’accès aux professionnels. On nous enseigne les protocoles. Bien-sûr, ils donnent un chemin directeur mais c’est le rôle du praticien de l’adapter aux besoins du patient.

Ces formations demandent un investissement personnel mais elles sont nécessaires. D’autant plus que la médecine traditionnelle chinoise est également bien placée sur des pathologies graves, notamment le cancer. Il ne s’agit pas de guérir le cancer avec la médecine chinoise, mais elle permet d’apporter aux gens une capacité de meilleure tolérance aux traitements et cela de manière indiscutable.

Quels sont les atouts de la MTC face à la médecine allopathique ?

La médecine c’est l’art de guérir. Pourquoi ? Parce que les uns comme les autres répondent à d’autres normes. Ce que l’homéopathie et la médecine chinoise ont compris depuis bien longtemps : c’est le « terrain».

Le même traitement appliqué à quinze personnes différentes, dans une situation équivalente, aura des actions différentes. Pour l’un il y aura une guérison, pour un autre cela ne changera rien et un autre encore verra peut-être une aggravation. Chaque individu est différent. Comment peut-on imaginer appliquer le même traitement à tout le monde ?

La médecine traditionnelle chinoise met à disposition des praticiens et patients un panel de solutions beaucoup plus étoffé.

Pour un médecin conventionnel il est très important d’avoir des recours autres que l’allopathie. Il existe des alternatives très simples.

Je pense que les trente dernières années, si je mettais dix traitements antibiotiques par an, c’est que j’en avais mis beaucoup. Tout se traitait sans antibiotiques. Il n’y en avait pas besoin. Et je n’ai jamais enregistré de complications particulières.

D’ailleurs, aujourd’hui, on dit de plus en plus souvent que la France est une trop grande consommatrice d’antibiotiques.

Le médecin en MTC, quant à lui, essaie de comprendre qui est la personne qui lui fait face et quelle est la problématique à laquelle elle est confrontée. Si cette problématique est traduite par une pathologie avérée, le traitement symptomatique devra être utilisé bien sûr mais le fond du problème sera toujours là. Si, avec une approche un peu différente, on peut améliorer le terrain cela ne pourra être que bénéfique.

Pourquoi la pathologie nous touche à un moment donné ? Imaginer que ce ne sont que nos comportements et nos erreurs d’hygiène de vie, ce n’est pas vrai.

Notre terrain naturel a des fragilités. C’est ce terrain qui va s’extérioriser plus ou moins vite ; s’il y a un facteur déclenchant il mettra le feu aux poudres. On essaie de faire en sorte de travailler sur ce terrain de la meilleure façon possible pour que tout se passe du mieux possible, le plus longtemps possible mais, ceci étant, nous n’en avons aucune garantie.

La médecine chinoise a compris l’importance du terrain depuis déjà bien longtemps. Le Yin et le Yang doivent être en harmonie, pas en équilibre mais en harmonie. Et cette harmonie est propre à chacun d’entre nous en fonction de notre terrain propre.

Il en est de même pour les fragilités. Lorsque l’on a un individu qui, au moindre coup de vent s’enrhume, il faut être interpelé. Le système de défense est agressé par ce que la MTC appelle le « vent pervers ». Partant de cette constatation, on va essayer de corriger cette fragilité pour le rendre plus résistant. Il faut comprendre quelle est la perturbation qui va engendrer le symptôme ou la maladie et corriger cette perturbation pour essayer de résoudre le problème en amont.

Pasteur, à la fin de sa vie, a lui-même dit :
« Le microbe n’est rien, le terrain est tout »