Après un Master de Médecine Traditionnelle Chinoise à l’Université de Cheng Du en Chine, MA Fan est arrivée en France en 1993. D’abord sur Montpellier puis sur Lyon, elle commence par pratiquer la MTC puis rapidement à l’enseigner.

Quand avez-vous débuté l’enseignement de la MTC ?

Je suis arrivée en France un peu par hasard mais j’ai tout de suite été très contente de voir que la France est un pays très bien pour l’implantation de la Médecine Traditionnelle Chinoise ; pour bien la comprendre, cela nécessite une certaine sagesse.

La France y est très ouverte. C’est un vrai plaisir pour moi d’avoir enseigné la MTC en France depuis ces 25 dernières années car je peux voir le réel retour qu’il y a derrière.

J’ai commencé par enseigner dans plusieurs écoles, notamment celle de Éric MARIÉ ainsi qu’à l’École CEDRE avec Patrick Shan. À mon arrivée je ne parlais pas français donc je donnais mes cours en anglais mais j’ai rapidement commencé à enseigner en français. 

Puis en 1995 j’ai ouvert ma propre école de Médecine Traditionnelle Chinoise en Suisse à Lausanne, en 1998, une à Lyon et une autre à Paris : l’Institut SHAO YANG, École Supérieure de Médecine Chinoise. 

On a pu compter jusqu’à environ 600 étudiants par an répartis sur les 3 centres. Puis nous avons tout regroupé sur Lyon pour ne pas être trop dispersés. Aujourd‘hui, nous rassemblons environ 300 étudiants par an avec une formation de 5 ans sur les bases fondamentales de la Médecine Traditionnelle Chinoise : Diagnostic, Acupuncture, Pharmacopée, Massage, Qi Gong, Tui Na, Moxibustion, etc.

L’école se base sur le programme des Universités de Chine. Depuis près de 25 ans que l’École existe, elle fonctionne bien grâce à la stabilité de sa structure. De plus, elle est rattachée à la FNMTC (Fédération Nationale de la Médecine Traditionnelle Chinoise) qui impose des règles à suivre pour les praticiens de MTC. 

Notre formation est ouverte à tous, qu’il s’agisse de personnes venant du milieu médical, telles que des kinésithérapeutes, des dentistes, des sages femmes, mais également des stagiaires sans formation particulière. Chaque année, hors coronavirus bien sûr, nos étudiants effectuent un stage en Chine pour pratiquer la MTC dans une OST (Organisation Scientifique du Travail) grâce à nos liens directs avec des Universités de Chine telles que Cheng Du, Shanghai, Beijing. Ces liens nous permettent des échanges et une collaboration très riche.

Pour l’Institut SHAO YANG je souhaite vraiment avoir un programme complet tel qu’il est étudié en Chine. Je ne veux pas que nos étudiants aient des lacunes dans ce programme. Pour cela notre formation s’étend sur 5 ans à raison de 9 week-ends par an. 

En fin d’année, nous étudions également la législation française. Nous faisons venir des experts, en assurance par exemple, et nous expliquons aux étudiants comment s’y prendre pour s’installer, se déclarer, quelles sont les démarches à suivre mais également la façon de tenir un cabinet, les règles d’hygiène qui s’y rattachent, etc.

Tous les trois week-ends nous faisons une petite évaluation puis une autre plus importante en fin de chacune des années de formation. Les étudiants passent un examen en fin de 3ème année pour valider le Diplôme de Massage Tui Na puis, à la fin de leur 5ème année, ils passent un dernier examen avec une partie théorique et une partie pratique pour valider leur Diplôme de Médecine Traditionnelle Chinoise générale. 

La MTC est-elle une discipline difficile à assimiler ?

Certaines écoles qui forment à la Médecine Traditionnelle Chinoise essaient de donner un enseignement trop « mécanique ». Les professeurs transmettent vraiment beaucoup de connaissances, si bien que les étudiants sont noyés sous le flot d’informations sur la MTC (par exemple pour un seul point d’acupuncture, certains peuvent écrire tout un ouvrage et il existe 365 points !).

Les étudiants français qui ne connaissent pas les origines de la MTC pensent que c’est la meilleure façon d’apprendre en retenant par cœur chaque information. Mais ils perdent beaucoup de temps pour finalement être toujours dans le doute sans réellement savoir-faire de diagnostic et pratiquer la Médecine Traditionnelle Chinoise.

Il leur manque la notion de globalité de la Médecine Chinoise. 

C’est tout un esprit, une façon de vivre dans sa globalité : 

de Yin et de Yang

Prévention des maladies

Bonne hygiène de vie

Harmonie des pratiques Qi Gong, Pharmacopée, Acupuncture,

Diététique, etc.

L’enseignement doit d’abord avoir une approche globale puis ensuite seulement entrer dans les détails.

Selon moi, si un étudiant vient en se plaignant que la MTC est trop difficile et qu’il y a trop de choses à apprendre, j’estime que c’est l’enseignant qui en est responsable. L’enseignant doit expliquer aux étudiants comment faire pour bien apprendre. Il ne faut pas simplement mémoriser mais il faut avant tout avoir la compréhension.

La MTC est proche des gens, proche du monde. Comme il y a le Yin et le Yang, il y a le jour et la nuit, le bien et le mal, la mort et la vie, etc. Ce sont des choses quotidiennes qu’il faut comprendre.

Pour les étudiants, il ne suffit pas de lire des livres et c’est le rôle de l’enseignant d’apporter cette compréhension et d’introduire un bon esprit de vie.

Nous avons une vingtaine de professeurs ainsi que de nombreux assistants. Lorsqu’il y a la théorie le samedi, un seul enseignant est présent mais, si le dimanche il y a la pratique, alors il peut y avoir 4 ou 5 professeurs pour encadrer les élèves.

Nous réalisons nos propres supports de cours pour chaque week-end. Les étudiants les reçoivent à l’avance pour leur permettre de connaître le sujet du prochain cours. Pendant les cours, un autre support est distribué.

On demande également aux étudiants d’acheter des livres qui serviront de supports complémentaires. 

C’est vrai qu’il y a beaucoup de choses à apprendre mais tout suit une logique.

La France est un pays très théorique mais qui va peu dans la pratique. Il est important pour les étudiants de Médecine Traditionnelle Chinoise de vraiment apprendre comment fonctionne la pratique également.

Il faut apprendre à mettre en application la théorie pour savoir comment prendre le pouls, comment regarder la langue, comment observer le patient. 

Mais il faut également que les étudiants pratiquent les principes de la MTC sur eux-mêmes.

Pour apprendre la médecine traditionnelle chinoise, il faut se l’appliquer.

Quelle est la place de la MTC dans l’enseignement de la Médecine d’aujourd’hui ?

Dans notre école on est clairs dès le départ avec les étudiants : la Médecine Occidentale et la Médecine Traditionnelle Chinoise ont des définitions complémentaires.

En Chine on apprend les deux. Il n’y a pas d’opposition. La Médecine Occidentale sera utilisée pour les problèmes urgents, la chirurgie, etc. alors que la MTC sera pratiquée pour un maintien de l’équilibre, la prévention, le confort des maladies chroniques, etc. Ces deux médecines peuvent parfaitement bien travailler ensemble.

Il n’est pas du tout question de rejeter la Médecine Occidentale. 

Beaucoup d’étudiants sont découragés par le fait que la MTC ne soit pas reconnue en France.

À mes débuts je participais à de nombreux combats pour faire reconnaître la MTC mais maintenant je me rends compte que ça n’est pas ce qu’il y a de plus important.

Si nous devions remporter ce combat et enseigner dans des écoles normalisées, comme pour l’ostéopathie, nous perdrions cet aspect traditionnel de la médecine chinoise. 

Cela fait 20 ans que j’enseigne en France et, bien que notre pratique ne soit parallèle à la médecine occidentale, je n’ai jamais manqué d’étudiants dans mon école, ni de patient dans mon cabinet. 

L’important c’est de faire du bon travail, d’être efficace et d’aider les gens.

Les français aiment bien la MTC. Ils ont toujours été là donc il ne faut pas se sentir découragé et rester bloqué sur le fait de ne pas être reconnu totalement en France. La France est une machine où il est difficile d’avancer. Il faut se focaliser sur le fait de bien travailler et de faire du bien aux gens.

La Médecine Traditionnelle Chinoise n’est pas qu’une technique, ce n’est pas qu’un métier, c’est une façon de penser, une façon de vivre. Lorsque l’on commence à apprendre la MTC, il faut entrer dedans, il faut appliquer au quotidien le Yin et Yang, les 5 éléments, etc.

La France compte de nombreuses bonnes écoles ayant un très bon niveau de Médecine Traditionnelle Chinoise qui attirent de nombreux étudiants, y compris de l’étranger comme de l’Italie, de la Suisse ou du Maroc, etc. Nous avons la chance d’avoir un très bon niveau, de très bonnes écoles et de très bons étudiants.

Malheureusement le niveau de toutes les écoles est différent, tout comme leur taille car elles sont toutes indépendantes.

Pour la réussite de l’école, on est obligés de bien travailler. “Ça n’est pas facile d’avoir beaucoup d’élèves, car souvent les gens travaillent à côté et doivent payer par eux même la formation qui a un coût ; cela demande beaucoup d’efforts. C’est pour cela qu’il faut vraiment faire du bon travail. Le plus important c’est de toujours penser au bien des étudiants”.