Le Dr De Feng Wang, Médecin diplômée d’état, Professeur de l’Université de Médecine Traditionnelle Chinoise de Pékin, ancien Docteur clinicien à l’Hôpital de Médecine Traditionnelle Chinoise de Pékin, est Chercheur à l’Académie de Recherche de Médecine Traditionnelle Chinoise de Pékin.

Ancien médecin à l’hôpital ‘Paki-China’ de Karachi Pakistan dans le cadre de l’OMS, elle est aujourd’hui Directrice Pédagogique de l’Académie Wang de MTC à Toulouse

Comment avez-vous rencontré la MTC ?

Mon chemin à travers la MTC a commencé pour moi dès l’enfance. Du coté de mon père, il y avait déjà 7 générations de professionnels de MTC ; je suis la 8ème génération. J’ai débuté mon apprentissage au sein de ma famille grâce à mon grand-oncle que je suivais lors de ses consultations pendant mes vacances.

Dans un premier temps, je pensais me diriger vers les mathématiques mais, au dernier moment, j’ai changé d’avis. Je ne souhaitais pas que cette profession familiale s’arrête avec moi. 

Je suis donc entrée à la Université de Médecine Traditionnelle Chinoise.

Une fois entrée à la faculté de Beijing, j’ai compris que je ne m’étais pas trompée car j’étais vraiment passionnée.

J’ai fait mon premier cycle en médecine puis, à l’issus du doctorat, j’ai passé un concours de l’étude recherche. J’ai ensuite suivi un très grand professeur d’Acupuncture, le Pr Pu Ren HE durant trois ans.

À son contact, j’ai effectué plusieurs recherches sur l’Acupuncture, notamment une méthode antique très peu utilisée à l’époque : aiguille du Feu. J’ai fait mes recherches sur des anciens textes en utilisant les moyens technologiques de l’époque pour tester la température, la microcirculation et plusieurs pathologies cliniques.

À l’époque, la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise représentait une véritable nouveauté en Europe car les médecins occidentaux pensaient que l’Acupuncture était la seule Médecine Traditionnelle Chinoise, alors qu’en réalité l’Acupuncture ne représente que 30 % de la MTC et 70% de cas cliniques nécessitent de faire appel à la Pharmacopée.

Je n’ai pas suivi ce courant mais j’ai accepté une mission pour travailler au Pakistan au sein d’une organisation de la santé mondiale, la WHO, pendant 6 mois.

Puis, je fus invitée par l’Institut Européen de Médecine Traditionnelle Chinoise.

Beaucoup de médecins étudiant dans cet institut maitrisaient déjà l’Acupuncture mais ils avaient encore très peu de connaissances sur la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise. On m’a donc demandé de l’enseigner.

Mais au bout de 5 ans, l’institut a fermé. Sur l’impulsion et avec le soutien de plusieurs médecins, j’ai donc ouvert ma propre école de Médecine Traditionnelle Chinoise. Plus complète, elle enseigne tous les outils de la MTC : Acupuncture, thérapie manuelle (massage, Tui na), le Qi gong, la Diététique, ainsi que la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise qui représente une grosse partie de la formation.

En sortant de sa formation, un élève de notre Académie peut être capable d’établir un bilan énergétique et de poser un diagnostic sur toute une gamme de pathologies courantes en Europe avant de traiter le consultant par la méthode de MTC qui soit la plus adaptée. 

Qu’enseignez-vous en premier à vos étudiants ?

Lorsque je donne les premiers cours d’Acupuncture aux élèves, je dois d’abord leur expliquer ce que sont les méridiens.

Bien-sûr, les élèves ne veulent pas seulement croire aux récits des anciens, il leur faut également de véritables preuves physiques.

Avec la technologie actuelle, on peut voir que le méridien n’est pas quelque chose d’anatomique, mais plutôt comme un champ énergétique. 

Il est différent selon les personnes. 

Pour environ 10 % de la population, ce champ énergétique est hyper sensible mais chez d’autres personnes, notamment les personnes qui pratiquent les sports de combat, ce champ est très fermé. Chez une même personne, selon son état physique et psychique, le champ énergétique ne sera pas forcément le même non plus.

Dans un état pathologique, le courant électrique traversant les méridiens augmente ainsi que le son et la lumière. Ainsi, selon les différents états du corps, selon sa santé, les manifestations des méridiens sont plus ou moins fortes.

On ne peut pas voir les méridiens comme quelque chose de fixe tel un vaisseau sanguin ou un nerf. En Médecine Traditionnelle Chinoise on parle de Qi. C’est l’énergie qui se déplace à travers les méridiens.

Ils sont une notion très particulière de la Médecine Traditionnelle Chinoise. Une grande partie de la MTC fondamentale est basée sur les méridiens.

Continués d’un réseau de 12 méridiens principaux et de ramifications de plus en plus fines, leur tracé est décrit très précisément dans le Huang Di Nei Jing.

Si un jour nous parvenions à prouver la présence des méridiens, cela permettrait à la MTC de faire un grand pas dans son acceptation mondiale.

C’est un élément important de la recherche dans un certain nombre de domaines tels que la physique, la biochimie, dans le domaine électrique, les ondes magnétiques pour trouver exactement à quoi les méridiens correspondent dans le corps humain. Il y a des phénomènes physiologiques et pathologiques mais il est très difficile de définir exactement ce que sont les méridiens.

Accompagnée d’un grand chercheur en science physique, nous avons tenté d’en savoir plus sur ce phénomène découvert il y a plus de 2000 ans en Chine. Nous avons cherché à comprendre comment l’expliquer et comment convaincre les gens de la véracité des méridiens.

À l’époque, j’ai participé à une recherche avec une équipe de biophysique pour trouver l’explication des méridiens. On a pu tester le son, la lumière, le courant électrique, et pour chacun on a pu constater que la réaction n’était pas la même sur le chemin du méridien que dans le reste du corps.

Les fréquences du son sont plus importantes sur le tracé du méridien, tout comme la lumière et le courant électrique sont plus forts sur le tracé des méridiens que dans le reste du corps car ils ont une résistance électrique très faible.

Simplement, avec nos moyens scientifiques actuels il n’est pas encore possible de convaincre tout le monde.

Pour cela il est encore nécessaire d’effectuer beaucoup de recherches. De nombreux spécialistes de différents domaines se penchent sur le sujet car on a pu observer une multitude de phénomènes que l’on ne parvient pas à expliquer.

Par exemple, si l’on chauffe par moxibustion le petit orteil d’une femme enceinte, sur le dernier point du méridien de la Vessie, cela aide le fœtus à se positionner correctement pour la naissance. Lorsqu’à l’approche du terme de la grossesse le bébé se présente par le siège, en utilisant cette technique, on constate des résultats dans plus de 90 % des cas dans différents centres hospitaliers. Sans la présence des méridiens, ce phénomène ne trouve aucune explication physique. On ne peut pas ignorer des phénomènes que l’on peut vérifier et reproduire.

Comment enseigne-t-on la MTC en Occident ?

En MTC il existe deux grands livres de référence : Huang Di Nei Jing, qui pose les bases de la théorie fondamentale de la MTC, et Shang Han Lun, écrit par ZHANG ZHONGJING au début du 3ème siècle, qui construit la logique, le diagnostic différentiel et conduit au traitement clinique. C’est cet ouvrage qu’il m’a été demandé d’enseigner à mes débuts.

Mais je n’avais que deux week-ends pour le faire alors qu’au cours d’une formation classique en Chine, cela représente 120h de travail.

J’ai commencé à l’enseigner tel que moi-même je l’avais étudié, article par article mais au bout d’un moment, les étudiants ont commencé à avoir du mal à se concentrer et ne comprenaient pas l’utilité de l’ouvrage. J’ai alors réalisé que je ne pouvais pas continuer à l’enseigner de cette façon qui était trop éloignée de la situation actuelle, plus encore en Europe. 

J’ai donc changé mon approche d’enseignement pour suivre la logique d’évolution de la pathologie que j’ai mise en parallèle avec les pathologies les plus courantes en Europe et notamment en France.

Dans Shang Han Lun, on parle de l’Energie Perverse qui pénètre dans le corps pour atteindre la première couche.

On a l’exemple avec le coronavirus en ce moment, mais à l’époque nous parlions également d’autres pathologies comme la grippe, etc.

Lorsque le virus pénètre dans le corps et touche la première couche, l’énergie de Tai Yang se met sur la défensive. On verra alors des manifestations telles que les courbatures, un peu de fièvre, des maux de tête, etc. Si cette phase n’est pas traitée, l’Energie Perverse va pénétrer plus en profondeur et atteindre la couche de Yang Ming qui aboutira à de fortes fièvres, des troubles psychiques, puis si l’Energie Perverse évolue encore et entre dans la couche de Shao Yang, les manifestations seront alors des phases de chaleurs et de frissons, beaucoup plus de fatigue, la perte d’appétit, des nausées, etc.

En Pharmacopée Traditionnelle Chinoise, on a par exemple le XIAO CHAI HU TANG qui est parfaitement adapté à cette situation et qui fait partie des formules de Shang Han Lun.

En mettant en avant cette évolution, les élèves comprennent et acceptent l’enseignement de cet ouvrage plus facilement.

Quelle est la différence fondamentale entre la MTC et la médecine occidentale ?

En Médecine Traditionnelle Chinoise on voit la personne dans son ensemble. On ne peut pas diviser le corps humain en différents parties, différentes cellules. Il faut le voir dans son ensemble.

La médecine occidentale étudie le corps humain depuis l’intérieur, en cherchant des éléments toujours plus petit, cellules, molécules, atomes, mais ensuite il est difficile de réassembler le tout pour trouver des solutions. 

Alors qu’en Médecine Traditionnelle Chinoise, on voit l’être vivant dans son ensemble et dans son environnement : social, naturel, etc. en lien avec les différents systèmes d’énergie de la nature (le bois, le feu, le métal, la terre et l’eau) car chacune de ces énergies entre en corrélation (contrôle ou engendrement) ce qui permet un équilibre.

Entre chaque système d’énergie, il existe un lien qui les rend impossible à séparer. Lorsque l’une de ces énergies est « malade », elle aura forcément un impact sur les autres. Il en est de même à l’intérieur de chaque système.

Prenons l’énergie du Bois par exemple, dans la nature c’est le bois, mais dans le corps humain elle concerne le Foie qui régit de nombreux éléments : au niveau des organes sensoriels, ce sont les yeux, au niveau des tissus, ce sont les tendons et ligaments, au niveau des émotions, il s’agit de la colère et la dépression, au niveau de sa propre fonction, c’est le drainage et la dispersion, la circulation de l’énergie associée à la Vésicule Biliaire.

Donc pour une personne ayant un trouble de la vue, on ne traitera pas simplement les yeux. Dans le cas d’une énergie perverse qui attaque les yeux et provoque une conjonctivite, en MTC on ne traitera pas seulement le virus.

On cherchera également à voir si dans le système d’énergie du Foie il n’y a pas un trouble, une période émotionnelle forte, colère, contrariété, stress, qui bloquent l’énergie du Foie et la fait remonter selon son méridien pour attaquer les yeux qui seront fragilisés et attireront l’énergie perverse.

On interviendra donc également en pratiquant un drainage du Foie pour traiter le problème de conjonctivite.

Dans le cas d’une calcification des tendons, il est toujours possible d’opérer ou de « choquer » pour dissoudre la calcification, mais en MTC, le tendon est nourri par l’énergie du Foie.

Lorsque la calcification s’installe, c’est que le tendon n’est plus correctement nourri par l’énergie du Foie depuis un certain temps déjà. Il est donc fragilisé et a fini par subir une modification avec le calcium qui s’y sera concentré.

On ne pourra pas uniquement travailler sur le tendon, il faudra également travailler, nourrir et faire circuler l’énergie du Foie. Dans le cas contraire, le problème reviendra.

Mais je pense sincèrement que les deux méthodologies, médecine occidentale et MTC sont vouées à se rejoindre dans le futur. 

La MTC est une médecine préventive. Comment faire au quotidien pour prévenir des maladies ?

Pour une bonne prévention il y a plusieurs approches.

Le patient lui-même peut déjà mettre en place une première prévention grâce à plusieurs méthodes. On connait notamment le Qi gong qui est un très bon moyen de renforcer son énergie, de rétablir son équilibre de Yin et Yang, et de faire circuler le Qi. On pourra ainsi repousser les énergies perverses, renforcer la propre énergie et faire circuler l’énergie au niveau des méridiens. Il s’agit là d’une prévention active.

Il est possible de faire une prévention passive aidée par un thérapeute. 

Par exemple pour lutter contre les problèmes lors du changement de saison vers le printemps (fatigue, stress, allergies, migraines, etc.) il est possible de faire une ou deux séances d’Acupuncture ou prendre de la Pharmacopée Traditionnelle Chinoise pour faire circuler le Qi du Foie et permettre de se sentir mieux tout au long de l’année. 

À l’arrivé de l’automne (problèmes respiratoires, asthmatiques, bronchites chroniques), là aussi il est possible de faire une prévention en Pharmacopée Traditionnelle Chinoise.

On retrouve également cette prévention passive dans la Diététique Chinoise que l’on utilise pour palier certaines faiblesses de l’organisme. En mettant certaines plantes dans notre repas, on peut soulager certains problèmes de santé.

Chez les personnes psychiquement fragiles, il est également possible de travailler sur l’énergie du Cœur ou l’énergie du Foie, pour que celles-ci soient plus équilibrées et plus adaptées à différents moments de la vie et chocs émotionnels avec l’alimentation, la Pharmacopée, ou les massages.